
La fin du duo Airtable + Softr ?
Pendant plusieurs années, le duo Airtable et Softr a été un standard du no-code. Airtable permettait d’organiser et de structurer les données, tandis que Softr permettait de créer une interface web ou mobile rapidement, sans développeur. Ce tandem a été massivement utilisé dans les domaines de l’éducation, du conseil, de l’événementiel, ou encore par des associations pour gérer des portails, des extranets, des tableaux de bord ou des systèmes d’inscription.
Mais cette combinaison reposait sur une dépendance : dès que l’on manipule des données dans un outil et qu’on les affiche dans un autre, cela implique des appels API, donc des lenteurs, des limites techniques et parfois des problèmes de synchronisation. Le tout avec un point aveugle : la localisation des données, rarement maîtrisée.
Glide : l’intégration fonctionnelle avant l’heure
Dès 2020, Glide a pris une direction différente. À l’origine pensé pour transformer des Google Sheets en applications, Glide a très vite proposé ses propres bases de données internes — les Glide Tables — et une logique de développement intégrée. Cela a permis à ses utilisateurs de concevoir, stocker et afficher les données au sein d’un seul outil.
Cette approche a séduit bien au-delà du cercle des développeurs. Dans la santé, certaines cliniques privées ont développé des outils de gestion des rendez-vous. Dans l’éducation, des écoles ont mis en place des interfaces pour suivre les notes, les présences et la communication parents-profs. Dans le secteur humanitaire, certaines ONG ont créé des outils de coordination en zone de crise, accessibles même avec une faible connexion. Glide a prouvé que l’approche tout-en-un était plus simple, plus stable et mieux adaptée à des usages terrain.
Mais Glide reste aujourd’hui hébergé aux États-Unis, sur les serveurs d’Amazon Web Services (région us-east-1), sans option de localisation en Europe. Cette contrainte d’infrastructure devient de plus en plus problématique pour les acteurs soumis à des obligations légales fortes.
Softr : même trajectoire, mais souveraine
En 2024, Softr a franchi un cap stratégique en intégrant sa propre base de données native. L’objectif est clair : offrir la même logique intégrée que Glide, tout en conservant la flexibilité et la simplicité qui ont fait le succès de la plateforme. Les résultats sont immédiats : les temps de chargement sont divisés, les risques d’erreur API sont éliminés, et l’expérience utilisateur s’améliore.
Mais surtout, Softr propose désormais l’hébergement des données dans l’Union européenne, en conformité avec le RGPD. C’est cette option qui fait la différence.
Une université peut aujourd’hui construire un portail de candidatures en garantissant que les données des étudiants restent stockées sur des serveurs européens. Une mairie peut créer une interface de demande de subventions sans passer par des infrastructures soumises au Cloud Act. Une mutuelle peut développer un extranet pour ses adhérents tout en respectant les préconisations de la CNIL.
Cette évolution est en ligne avec les recommandations de plusieurs institutions européennes. La CNIL recommande depuis 2021 d’héberger les données personnelles sensibles au sein de l’Espace économique européen. L’ANSSI insiste sur l’importance d’un contrôle effectif de la localisation et de la gouvernance des données. Le Data Governance Act, entré en vigueur en 2022, renforce encore la notion de souveraineté numérique pour les acteurs publics comme privés.
Airtable et Glide : puissants, mais limités sur la gouvernance
Airtable reste une référence en matière de structuration avancée des données, de relations complexes entre tables, et d’automatisations. Il est utilisé dans des contextes métiers très variés, de la gestion de production à la planification RH. Mais son infrastructure est également entièrement hébergée aux États-Unis, sans option européenne. Le Cloud Act s’applique, ce qui expose potentiellement les données à des demandes d’accès par les autorités américaines — même si elles sont hébergées hors du territoire américain.
Glide, malgré sa grande maturité fonctionnelle, souffre du même problème. Il devient donc difficile pour ces plateformes d’être choisies dans le cadre d’un appel d’offres public en Europe, ou dans un projet incluant des données de santé, des dossiers administratifs ou des données clients réglementées.
Le no-code devient stratégique
L’évolution de Softr n’est pas seulement technique. Elle reflète un basculement plus large du marché : le no-code ne peut plus ignorer les exigences de conformité, de sécurité, et de gouvernance des données. Là où les plateformes américaines peinent à s’adapter, Softr s’aligne avec les contraintes du terrain européen.
Pour les collectivités, les fédérations professionnelles, les universités ou les startups qui travaillent sur des projets sensibles, Softr offre aujourd’hui une alternative solide, intégrée, et conforme. Il ne s’agit plus seulement de créer vite, mais de créer durablement, dans un cadre sécurisé.
Cette bascule vers des plateformes unifiées et souveraines marque une nouvelle étape du no-code. Et elle redéfinit les critères de choix : l’hébergement, la performance, la conformité et l’autonomie deviennent aussi importants que l’ergonomie.
Sources :
– CNIL – Le RGPD et le cloud
– ANSSI – Guide d’analyse de la sécurité des services cloud
– Commission européenne – Data Governance Act (DGA)
– Softr – Changelog – Mars 2024 : EU hosting
– Glide – Documentation et politique de stockage
– Airtable – Conditions d’utilisation et stockage